dBD53 (mauvaise humeur)
QUEL CIRQUE !
J’ai souvent fait part dans ces pages de mon enthousiasme pour le journal Spirou qui, malgré la suprématie de l’album sur le produit presse, malgré les changements de propriétaire, malgré la disparition des génies qui ont accompagné son histoire, a toujours réussi à conserver son âme, son espièglerie.
Autant de raisons qui expliquent la colère qui s’est emparée du vieux lecteur de Spirou que je suis depuis près de soixante années à la découverte de l’ébouriffant numéro 3 805, spécial cirque.
Réaliser une opération de promotion avec le concours d’un grand cirque, en l’occurrence le cirque Gruss, n’est pas une mauvaise idée, d’autant plus que pour Spirou, ce n’était pas une nouveauté. [Les vieux lecteurs se souviennent du Cirque Spirou à la fin des années 50] Distribuer ce numéro sans histoire à suivre tout au long de l’année aux jeunes spectateurs ne pouvait qu’être bénéfique au journal et à ses auteurs.
On peut se demander quelle mouche a piqué Frédéric Niffle, le rédacteur en chef jusqu’à présent respectueux de l’image du journal, de demander au duo italien Barbucci/Canepa de mettre en musique ce numéro hors série. Dans cette même livraison, interviewée par Jean-Pierre Fuéri, Barbara Canepa avoue que Spirou ne représente RIEN pour elle, la série n’étant pas connue en Italie. Ce qui est faux, puisque les pages de Franquin ont été publiées par le plus grand hebdomadaire italien, Il Corriere dei Piccoli.
Initiateurs du manga spaghetti avec la série W.I.T.CH. créée en 1997 chez Disney Italie, Barbucci et Canepa sont à cent lieues du style Spirou, plus proche du gros nez et de l’humour bon enfant que de la recherche graphique à pseudo caution intellectuelle. Leur confier la réalisation de ce numéro qui se veut une vitrine de l’hebdomadaire est une hérésie. TOUS les collaborateurs habituels en ont été chassés, remplacés par les auteurs de la collection que dirige Barbara Canepa chez Soleil. Résultat, un festival de graphismes déroutants plus proches du catalogue de L’Association que de celui des éditions Dupuis. On peut se demander la tête que fera le gamin qui achètera Spirou chez son marchand de journaux après la lecture de ce hors-série.
Ce coup de gueule n’est pas fait pour minimiser les qualités graphiques évidentes [question scénario, ça demande réflexion] des collaborateurs de ce spécial cirque. Je veux seulement mettre en lumière cette cruelle erreur de casting et expliquer pourquoi ce numéro de Spirou n’a vraiment rien à voir avec les 3 804 qui l’ont précédé.
Henri Filippini